Aujourd’hui j’ai le grand honneur de présenter une interview d’un des meilleurs joueurs de tennis sur notre planète, pleine de précision et de panache, avec mon ami Stephane Robert.
Si vous recherchez à:
- déveloper votre potentiel au maximum…
- être bien plus fort mentalement…
- à garder confiance même quand les doutes surgissent…
Alors cette interview est pour vous et nous parlons de tout cela et bien plus encore.
A propos de Stéphane Robert
Stéphane est joueur de tennis de très haut niveau. Son meilleur classement a été 62 ATP et cela fait plus de 10 ans qu’il fait partie des tous meilleurs joueurs au monde.
Comme vous allez le constater, il a développé une clarté d’esprit très importante sur son jeu, sur lui-même et sur tout ce qui l’aide à être au top.
Le résultat qui l’a fait le plus connaitre c’est sa victoire sur Thomas Berdich, 6e mondial à l’époque, à Roland-Garros 2011. Et curieusement, ce n’était pas son meilleur match en terme de performance à son avis. Je vous laisse découvrir tout ça.
L’Interview
Benoit: « Stephane, nous nous sommes connus quand nous nous entrainions il y a plus de dix ans de cela avec Ronan Lafaix, qui nous a inculqué sa méthode. Depuis, le temps a coulé et j aimerais savoir ce que tu en as gardé et ce que tu as fait évoluer? »
Stéphane: « J’ai travaillé avec Ronan Lafaix de 2001 à 2010.
Grâce à sa méthode, j’ai découvert une nouvelle façon de travailler, j’ai pu construire mon tennis avec Ronan comme guide et évoluer en ayant des résultats sur le circuit professionnel.
Avec le temps, notre travail a été de plus en plus précis, les exercices ont évolué, on allait encore plus directement à l’essentiel. Nous avons pu travailler en profondeur.
Tu as vécu avec nous les débuts de la méthode P.R.O (les livres de Ronan et sa méthode sont ici). Ensuite, Ronan et moi avons clarifié les choses pour que je sois le plus compétitif possible.
Quand on a arrêté notre collaboration fin 2010, je n’ai pas recherché de nouvel entraîneur parce que je savais que toute cette construction m’avait donné de l’autonomie.
Et je poursuis donc mes entraînements avec la même façon de procéder.
B: « Mon prochain livre s appelle Flow Tennis (mise à jour 2019: j’ai publié le livre Développe Ta Confiance! à la place), et il parle de cet état ou nous sommes en toute possession de nos moyens, relâchés et confiants.
J’y montre comment il est possible de s entrainer à être dans le Flow et je suspecte que tu en connais un rayon sur ce sujet.
As tu des souvenirs précis de matches où tu y as été particulièrement? »
S: « On a tous eu ces sensations c’est certain où l’on se sent injouable, on sent que tout ce que l’on tente nous réussit.
Bien sûr que je me suis retrouvé dans cet état un certain nombre de fois.
Avant de m’entraîner avec Ronan, je me demandais pourquoi certains jours, j’étais moins bien.
Grâce à lui, j’ai appris à me mettre dans le bon état physique et mental pour être dans le flow.
Et finalement, à des degrés divers, je suis toujours dans le flow, à chaque match, en étant à l’écoute de mes sensations et avec mes sens éveillés.
B: « Quand on te voit jouer, on a l impression parfois que tu es complètement détaché du score. Est-ce que c est quelque chose que tu cultives? Si oui, pourquoi? »
S: « Je cherche non seulement à me détacher du score mais surtout à tout ce qui peut me déranger pendant un match de tennis, je cherche le détachement total!
Cela passe par une bonne connaissance de soi-même, une grande honnêteté envers soi-même.
Dernièrement, j’ai encore gagné un match en étant mené 5/1 40/15 sur le service adverse au 3ème set. Je suis dos au mur et bien sûr, je me détache complètement, je vis l’instant présent et je me remets à jouer du très bon tennis.
Je recherche évidemment à être détaché au maximum, j’ai parfois besoin de négocier avec moi-même entre les points pour trouver le bon équilibre, parfois accepter de ne pas être dans un bon jour et pourtant toujours continuer à me battre.
B: « Qu’y avait-il de special dans ces matchs? »
S: « Chaque match représente une nouvelle aventure.
Vais-je être capable de gérer ce qui se passe dans ma tête par rapport au scénario du match?
Chaque match est différent et le but du jeu pour moi est de trouver une solution pour remporter le match. Quand je joue au tennis, je suis comme un manager, je fais des choix, je prends des décisions, je me trompe, je rectifie pour arriver à donner le meilleur de moi-même.
A ce titre, chaque match est spécial, qu’il soit gagné ou perdu.
B: « Peux tu nous dire comment tu t y es pris, ou comment tu t y prends, pour
retrouver cet état match après match?
Plus spécifiquement, que places-tu dans ta préparation avant match?
As-tu des rituels ou habitudes pour trouver cet état dans tes matchs? Si oui,
lesquels? »
S: « Chaque joueur va se créer sa routine d’avant-match pour entrer sur le terrain dans les meilleures dispositions.
Depuis longtemps, j’ai observé ce qui est bon pour moi.
Le plus difficile, c’est de savoir quoi faire, il y a tellement de manières de se préparer.
Je m’échauffe physiquement en mettant mes sens en éveil, je fais de même lors de mon échauffement raquette en main, puis je pense au scénario du match à venir, j’imagine ce que va me proposer mon adversaire et voir ce que je vais pouvoir faire pour le déstabiliser.
B: « Qu’est ce que tu veux dire par éveil des sens? Précisément ça donne quoi? »
Je fais un éveil des sens, c’est-à-dire que tout en effectuant mes mouvements d’échauffement, je me concentre sur la vue, l’ouïe ou mes sensations corporelles, d’abord sans la raquette puis avec.
Je vais courir lentement sur 15 mètres tout en me concentrant sur les bruits extérieurs, puis je vais revenir en me concentrant sur le relâchement de mes épaules.
Je vais faire à nouveau 15 mètres en prenant conscience de mes mains et ainsi de suite.
Même chose avec la raquette où je vais prendre conscience des bruits de la balle dans ma raquette pendant une minute puis je passe à autre chose.
A chaque fois, un petit objectif à tenir pour voir si je suis concentré.
Benoit: « Qu’est-ce qui te parait le plus important quand tu es sur le court? »
Stephane:« Tout est dans l’art de la négociation avec moi-même. Quand je ne suis pas satisfait de la manière dont je joue, en étant conscient de ce qui se passe, en étant lucide, j’essaye de comprendre ce qui me perturbe.
J’ai bien sûr besoin de calme pour être en mesure d’analyser ce qui se passe pendant la partie. C’est donc sur ce point que je suis le plus vigilant.
Garder le plus grand calme pour pouvoir décider sereinement et faire les bons choix.
B: « Quels sont les pièges a éviter? »
S:« Les pièges sont multiples et dépendent de la personne.
Certains joueurs vont être galvanisés par le fait de jouer devant 10 000 spectateurs, d’autres vont être paralysés.
Pour un autre, le fait de jouer devant sa famille peut lui mettre la pression, le fait de jouer pour de l’argent, de gagner des points ATP.
Il y a beaucoup de pièges.
Il peut se passer beaucoup de choses dans la tête d’un joueur de tennis. L’idéal c’est de jouer chaque match, chaque point pour ce qu’il est.
On revient à la connaissance de soi pour apprivoiser les émotions qui peuvent survenir en match, arriver à les gérer au mieux. Le véritable piège, c’est de croire que tout va bien se passer et de se voir trop beau.
Il faut toujours se préparer à avoir un match difficile.
B: « Donc si je comprends bien, avant le match tu fais comme Rafa dans ses conferences de presse: tu te dis que le mec en face il est fort et que ca va pas être facile. Meme si en fait ca l’a souvent été au final avec lui. En quoi cette humilité et visualisation du pire aident tant? »
S:« Le vrai guerrier ne peut pas partir en se disant que cela va être facile.
Mieux vaut se dire que cela va être difficile et gagner facilement que de partir en se disant que cela va être facile puis sombrer face à la difficulté.
C’est pour maintenir un état de vigilance et un stress dont j’ai besoin pour être performant.
C’est une forme d’humilité, je peux perdre contre n’importe qui, j’accepte de perdre contre n’importe qui à partir du moment où j’ai été un guerrier.
B: « Quand tu ne te sens pas au top sur le court, tu es pour une raison ou une autre dans un jour sans, la plupart des joueurs de club se disent dans ca cas: « ok, c est pas mon jour de toutes façons » et ils ne changent pas grand chose. As tu un moyen pour te retrouver?
Si oui, lequel, ou comment faire dans ces cas la? »
S:« Quand je ne suis pas dans un grand jour, j’essaye de l’accepter et de ne pas passer mon temps à me lamenter.
Je suis là pour trouver des solutions.
Et mon attitude, mon body language sont importants.
En étant négatif, je sais que j’ai très peu de chance de m’en sortir sauf si mon adversaire se met tout seul dans le rouge.
Tout le travail que j’ai fourni depuis tant d’années est là, toute l’expérience emmagasinée m’aide à rester calme et à ne jamais renoncer dans la difficulté.
B: « En règle générale qu’est-ce qui est important ou essentiel pour toi de placer dans ton entrainement pour arriver au top dans tes matches? »
S:« Grâce au travail d’éveil des sens, je travaille beaucoup ma concentration et j’entretiens ma capacité à rester concentré au moment où j’en ai le plus besoin.
J’aime beaucoup entretenir ma fluidité en travaillant mes rythmes de frappe.
Quand je sens que je frappe la balle sans effort, que je ne fais qu’un avec la balle, je sais que je suis dans les meilleures dispositions.
Je répète cela comme les gammes d’un pianiste.
B. « Aurais tu un conseil pour les joueurs motivés pour qu’ils s’améliorent dans leurs performances et en particulier au niveau mental? »
S:« Une fois que l’on s’est bien entraîné, c’est le moment d’aller jouer en compétition.
La recette magique, c’est de jouer avec calme et détermination.
Chaque joueur va devoir dompter son mental et ne pas écouter les sombres histoires que ce dernier veut nous faire prendre pour la réalité.
Balle de match sur mon service, deuxième balle, mon mental me dit que je vais faire une double faute, une autre voix me dit de tenter l’ace, je retrouve mon calme, je visualise une cible et je me lance.
3 choix dans ma tête! A moi de faire le bon!
B: « Effectivement, mieux vaut savoir se faire confiance à ce moment-là, et ta réponse m’amène à te poser 2 autres questions:
Premièrement, comment fait-on pour travailler cette confiance dans notre prise de decision? C est juste ce calme et détermination à cultiver?
Quel genre d’exercice tu fais pour ça? »
S:« Pour avoir confiance en soi, il faut donner des ordres clairs à son cerveau et faire des répétitions.
C’est tout un ensemble. Plus on s’entraîne en étant conscient des choses, de ce qui se passe dans sa tête, notamment dans les situations tendues, plus on sera capable de gérer ces moments.
Il faut un plan pour ça et le guide, c’est le calme.
Chacun parle à sa manière, ce langage a une influence sur ce que je vais être capable de mettre en place. Apprendre à se connaître, c’est ça. De quoi ai-je besoin maintenant pour mettre la balle où je veux?
Du calme, de la détermination, du relâchement, de la conviction?
Chacun sa recette en fonction de son ressenti sur le moment.
B: « 2e question, cette fois à propos des cibles: est-ce que quand tu joues sur chaque frappe tu as une cible exacte de là où tu veux envoyer la balle? Ou alors tu joues en mode automatique et la balle y arrive naturellement? »
S:« Concernant la cible, je peux les visualiser au service et au retour sur deuxième balle (sur première balle, je fais ce que je peux!).
Dans le jeu, mon corps sent où il doit jouer.
Parfois, il y a bagarre entre mes sensations corporelles qui veulent aller à un endroit et mon mental qui me fait changer d’idées. Dans ce cas-là, je fais souvent la faute parce que je réfléchis trop.
B: « Donc on peut dire que le calme c’est ce que tu cherches en premier lieu dans tes matches?
Comment tu fais pour être calme quand les doutes surgissent? T’as
une technique? »
S:« Le calme est fondamental, c’est ce dont je n’avais pas conscience à mes débuts.
Il m’arrive de perdre mon calme, je ne suis pas une machine.
Il s’agit pour moi d’observer les émotions et les pensées qui me traversent et lorsque je juge qu’elles peuvent avoir un impact négatif, je prends mon temps pour reprendre le jeu en étant vide de pensée.
Ma technique, c’est de m’observer de l’intérieur, c’est un peu comme de la méditation.
B: « Comment t’entraines-tu physiquement maintenant? »
S:« Depuis plus de 10ans, je travaille de la même façon physiquement, de manière assez simple.
Je privilégie le travail physique raquette en main pour être psychologiquement en situation.
En gros, je travaille le cardio au panier ou sur des séquences de droite / gauche.
En dehors du terrain, je travaille la motricité spécifique du tennis en écoutant mes sensations pour être juste techniquement et détaché, car le détachement, cela se travaille aussi sans la raquette. »
B: « Dernier point que tu aimerais partager? »
S:« Concernant mon match contre Berdych, je n’ai pas été dans le flow dans les deux premiers sets perdus 6/3 6/3, j’y ai été par moments.
Ce jour-là, j’ai été très solide dans la gestion des émotions.
J’ai déjà joué des matchs où j’étais dans le flow en quasi continu et le score était beaucoup moins serré!
B: « Dernier point pour conclure? »
S:« Au moment où j’écris ces lignes, je viens de perdre au dernier tour des qualifications de Wimbledon en 5 sets. J’ai manqué une balle de break dans le 5ème set en tentant une frappe long de ligne sortant de peu. Je peux m’en vouloir d’avoir manqué ma cible.
Mais je suis fier d’avoir eu le courage de prendre ma chance plutôt que d’attendre des choses qui ne dépendent pas de moi. »